Témoignage de Monsieur Feutry

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vu à 15 ans
De Gaulle

 

Lucie Delarue-Mardrus

Poète et romancière (1874-1945), née rue des Capucins à Honfleur, le 3 novembre 1874 a décrit avec sensibilité dans son "Ex-Voto" le milieu et la vie des pêcheurs honfleurais au début du siècle. Elle possédait une résidence secondaire à St Laurent Sur Mer avant la guerre Décédée en 1945 à Château-Gontier. Auteur prolifique, Lucie Delarue-Mardrus a écrit plus de soixante-dix œuvres parmi lesquelles on trouve des romans, des poèmes, des biographies, ses Mémoires et des pièces de théâtre. À ceci, il faut ajouter des chroniques hebdomadaires, des critiques littéraires ou musicales, des conférences aux Annales, des contes, des nouvelles et des récits de voyage parus dans la presse.
Elle se révèle peintre de la vie intime et de la nature dans ses recueils de poèmes (Ferveur, 1902; Horizons, 1904; la Figure de proue, 1908) et ses récits (le Roman de six petites filles, 1909; l'Ex-voto, 1921). Elle a laissé également des pièces (Sapho désespérée, 1906) et des Mémoires (1938).

Voici deux poèmes échiquéens.

   SONNET DES ÉCHECS

Invite aux tours de passe-passe,
L'échiquier quadrillé reluit.
Il n'a qu'une étoile pour lui,
Le Roi, ce monarque fadasse.

Mais d'une plus vaillante race
Sont ses sujets d'or et de nuit.
Les Fous lorgnent leur rang qui fuit,
Les Cavaliers ont leur rosace.

L'équerre des Tours bombardant,
Les Pions fiers de leur trident,
Chacun combat selon sa piste.

Mais seule, allant de bout en bout,
En ce très vieux jeu féministe,
La Dame rayonne partout.

(1926)

ENVOI

Reine qui jamais ne défaille
Plus puissante que Goliath,
Crains le Pion, humble canaille,
Qui va donner l'échec et mat.

(1926)

......

BALLADE DES ÉCHECS

Sur L'échiquier, luisant miroir,
Quand brillent, rangés en bataille,
Deux peuples : l'un du plus beau noir,
L'autre, du plus beau jaune paille,
Quand, redressant leur haute taille,
La Reine et le Roi, couple fat,
Se rengorgent comme à Versailles,
Qui va donner l'échec et mat?

Chacun fera tout son devoir
Comme il pourra, vaille que vaille,
Le Roi tremble en son étouffoir,
Fous, chevaux, tours et valetaille,
Tout le monde bientôt s'égaille ;
L'action s'engage : à Dieu vat!
L'un se défend et l'autre l'assaille.
Qui va donner l'échec et mat?

Les Pions vont à l'abattoir,
Le cheval rue et le fou raille,
Tandis que, lente à s'émouvoir,
La Tour, ronde comme futaille,
Attend, pour lancer sa mitraille,
L'occasion d'un exeat.
- Echec au Roi! - Bien. Qu'il s'en aille!
Qui va donner l'échec et mat?

 

D'autres poèmes

L'Odeur de mon pays...

L'odeur de mon pays était dans une pomme.
Je l'ai mordue avec les yeux fermés du somme,
Pour me croire debout dans un herbage vert.
L'herbe haute sentait le soleil et la mer,
L'ombre des peupliers y allongeaient des raies,
Et j'entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,
Se mêler au retour des vagues de midi...


Combien de fois, ainsi, l'automne rousse et verte
Me vit-elle, au milieu du soleil et, debout,
Manger, les yeux fermés, la pomme rebondie
De tes prés, copieuse et forte Normandie ?...
Ah! je ne guérirai jamais de mon pays!
N'est-il pas la douceur des feuillages cueillis
Dans la fraîcheur, la paix et toute l'innocence?


Et qui donc a jamais guéri de son enfance ?...

Lucie DELARUE-MARDRUS, Ferveur (1902)

....

Petite souris

 C’est la petite souris grise,
Dans sa cachette elle est assise.
Quand elle n’est pas dans son trou,
C’est qu’elle galope partout.

C’est la petite souris blanche
Qui ronge le pain sur la planche.
Aussitôt qu’elle entend du bruit,
Dans sa maison elle s’enfuit.

C’est la petite souris brune
Qui se promène au clair de lune,
Si le chat miaule en dormant,
Elle se sauve prestement.

C’est la petite souris rouge,
Elle a peur aussitôt qu’on bouge !
Mais, lorsque personne n’est là,
Elle mange tout ce qu’on a.

     

L'automne

On voit tout le temps, en automne,
Quelque chose qui vous étonne,
C'est une branche tout à coup,
Qui s'effeuille dans votre cou.

C'est un petit arbre tout rouge,
Un , d'une autre couleur encor,
Et puis partout, ces feuilles d'or
Qui tombent sans que rien ne bouge.

Nous aimons bien cette maison,
Mais la nuit si tôt va descendre !
Retournons vite à la maison
Rôtir nos marrons dans la cendre.

 

L'hiver

L'hiver s'il tombe de la neige
Le chien blanc a l'air d'être beige.
Les arbres sont bientôt touffus
Comme dans l'été qui n'est plus.
Les oiseaux marquent les allées
Avec leurs pattes étoilées
Aussitôt qu'il fait assez jour,
Dans le jardin bien vite on court.
Notre maman nous emmitoufle
Même au soleil la bise souffle.
Pour faire un grand bonhomme blanc
Tout le monde prend son élan.
Après ça, batailles de neige !
On s'agite, on crie, on s'assiège,
Et puis on rentre le nez bleu
Pour se sécher autour du feu.

L'avion

L'avion, au fond du ciel clair,
Se promène dans les étoiles, 
Tout comme les barques à voile 
Vont sur la mer.  
C'est un moulin des anciens âges 
Qui soudain a quitté le sol 
Et qui , par dessus les villages 
A pris son vol.  
Les oiseaux ont peur de ses ailes, 
Mais les enfants le trouvent beau, 
Ce grand cerf-volant sans ficelles 
Qui va si haut.  
Mais plus tard, en aéroplane 
Plus hardi que les hardis, 
Je compte bien aller sans panne 
Au paradis

   

Joseph-Charles-Victor Mardrus (1849-1948), médecin aux Messageries Maritimes, né en Egypte et premier époux de la poétesse Lucie Delarue-Mardrus a traduit de 1898 à 1904 Les Mille et une Nuits , compilation anonyme de contes populaires d'origines et d'époques variées. Ces contes ont le même prétexte. Pour se venger de l'infidélité de son épouse, un calife déflore chaque nuit une nouvelle vierge et l'assassine. Pour tenter d'échapper à cette série crimino-déflorale vengeresse, la vierge et princesse Schahrazade ou Shéhérazade, fille d'un vizir, " la Fille de la Cité " conte chaque nuit une histoire sans fin au calife. Ce  recueil fut propagé en Occident grâce à la première traduction (bien chaste et bien infidèle) établie par l'orientaliste français Antoine Galland (1646-1715) entre 1704 et 1717. Le succès de cet ouvrage participa à la mode de l'orientalisme dont les Lettres persanes de Montesquieu (1689-1755) se firent l'écho mais c'est Mardrus qui en fit une traduction "réaliste"…
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- Les Mille et une Nuits éd. Bouquins Robert Laffont contes traduits par le Dr J.C. Mardrus (éd. originale Eugène Fasquelle, 1899 à 1904)