AUTREFOIS : Lundi 5 juin 1944
C'est une journée qui ressemble aux précédentes ! en ce lundi, on se remet des agapes de la veille ! dans de nombreuses familles, malgré les privations, on a réussi à fêter pour les uns la communion (Janine Chambrin) et pour les autres le récent succès au "certif" (Raymonde Hue). Mais,on est inquiet...
Depuis quelques semaines les bombardements s'accentuent, l'on raconte que les pointes de la Percée et du Hoc seraient visées. Les nuits deviennent de plus en plus difficiles pour les habitants réveillés par ces bruits assourdissants et effrayants. De jour également, de nombreux avions passent au dessus de la plage, d'ailleurs on ne les reconnaît pas toujours car ils ne ressemblent pas à ceux qui survolent habituellement le secteur. Ce 5 juin, les habitants vaquent à leurs affaires
A Vierville,
Monsieur Leterrier, le maire, reçoit encore des ordres de la Kommandatur installée au manoir de Thaon ; les fils Piprel de l'hôtel du Casino furètent un peu partout dans le village ; l'abbé Pemprain va et vient entre les presbytères de Vierville et St Laurent. Monsieur Hardelay chassé de sa belle villa "les Hortensias" et qui habite désormais une maisonnette à la sortie du bourg a enfin pris sa décision de creuser une tranchée dans son jardin malgré les moqueries de son voisin qui lui souffle "Y débarqueront pas ici !". Ce 5 juin, il aura également le temps d' aller continuer à démonter... sa propre villa, en ce moment, il essaie de récupérer les poutres en faisant le moins de dégât possible.
A Saint Laurent,
Le maire Monsieur Legallois fait son petit tour traditionnel ; les jeunes Albert André et Edmond Scelles (de la ferme du Prieuré) tous deux âgés de 16 ans, comme d'habitude, se sont levés tôt. Albert est encore "requis" et travaille près du Wn 66.
Chez les allemands,
Franz Gocquel, 18 ans, est de garde à la mitrailleuse le matin ; l'après midi il creuse une tranchée qui ne sera pas encore terminée ce jour ! un journée comme les autres. Ce soir, il dormira dans son Wn, le 62... le réveil sera brutal et surprenant...
Demain, 6 juin, la mer est basse à 5h25, haute vers 10h30, le soleil se lève à 5h58. C'est la pleine lune. La mer est déjà agitée et le temps se couvre.
Ce sera le jour J, l'heure H est fixée à 6h30. Déjà en Angleterre les navires ont quitté les ports, les GI's sont prêts, entassés, et déjà angoissés. Certains ont commencé à embarquer le 1° juin ! L'attente dans les LCI et LST est longue, très longue. Mais maintenant, ils savent qu'ils vont débarquer : l'atmosphère est lourde, beaucoup d'inquiétude, de concentration ; on est tendu, nerveux : la peur au ventre, l'angoisse, va-t-on mourir ? être blessé? survivre ? Il est temps d'écrire une dernière lettre aux parents ou à la fiancée ou à l'épouse. Certains plaisantent pour cacher leur peur, d'autres jouent aux cartes. Beaucoup sont déjà malades et vomissent, la mer est mauvaise et le navire tangue et prend les embruns. C'est l'inconnu !certains n'arrivent pas à s'imaginer MORT, d'autres se voient morts.. Impossible de dormir, trop énervés, trop angoissés. Et si ce repas (steak et ice cream) était le dernier ? C'est sûr, combien vont mourir parmi nous?
Ils ignorent la présence d'habitants dans la zone côtière, en effet des tracts avaient demandé aux habitants d'évacuer le littoral ; ceux qui restent ne peuvent être que des ...collabos ou des traîtres. Bien du tracas à venir.[voir le dossier témoignage "américains et normands"].
La nuit sera terrible:
un bruit d'enfer à cause des bombardements plus violents que jamais: à Vierville Monsieur Hardelay est réveillé à 3 heures du matin et s'en va vite avec ses voisins se réfugier dans sa nouvelle tranchée, Monsieur Cook d'Ecrammeville voit sa ferme bombardée et s'enfuit avec sa famille.
Quelques habitants seront surpris de découvrir de drôles de soldats tout barbouillés de noir : l'abbé Premprain dans la cour du presbytère, l'institutrice de Vierville... Certains voient des choses bizarres : Monsieur Lepelletier d'Englesqueville qui trouve un parachute, Monsieur Hardelay qui entend parler de soldats qui ne parlent pas allemand ! Monsier Féron de Colleville qui voit un cadavre de soldat barbouillé près de sa maison.
Derrière la ferme de la famille André de St Laurent sept parachutistes, arrivés dans les 23H30 ont déjà discrètement tué les 11 allemands qui dormaient dans la ferme, ils pourront ainsi mener à bien leur mission : "empêcher toute avance de renfort allemand sur le plateau".(témoignage Albert André)
Et déjà, beaucoup d'habitants comme Simone Lemière avec une trentaine de voisins sont cachés dans leur tranchée, c'est le cas de D Ygouf, J Chambrin, E Scelles... Pour eux la journée sera longue, éprouvante et surprenante.
Bientôt, au petit matin, avec les premières lueurs, Michel Hardelay regarde par sa fenêtre et lui, il comprend très vite...
C'est le débarquement.
L'infiltration de soldats américains : l'avis d'Yves Cordelle de Vierville Il serait intéressant de regrouper et d'analyser de près tous les témoignages civils qui montrent la présence d'Américains infiltrés avant le débarquement, en excluant ceux qui peuvent s'expliquer par des parachutistes égarés des 82 et 101èmes Airborned Division. Je n'ai eu aucun témoin Américain de ces événements pourtant probables. Peut-être les documents officiels sont-ils toujours classés secrets? ou même ont-ils été systématiquemnt effacés des archives par ordre, comme j'ai pu le constater parfois. |
Photos aériennes du littoral avec villas en 1943 : dernières photos des villas !