GI'S et NORMANDS : CONCLUSION

Autant de témoignages, autant d'anecdotes, autant de vécus. Parfois des ressemblances, des points communs, mais à chaque témoin son originalité, sa personnalité. A chacun : chance ou guigne ! Que d'émotions, de moments pathétiques, de drames, de pleurs, de frayeurs, et d'horreurs mais aussi que d'étonnements, de surprises, de rires et de sourires !

Des souvenirs inoubliables, souvent intacts, 50 ans et 60 ans après !

Chaque témoignage constitue un moment de notre histoire, non pas de l'Histoire officielle, mais de notre histoire, celle vécue par les gens d'ici, par des anonymes (qui n'avaient pas encore témoigné) ; histoire qui nous est proche, que l'on raconte encore à ses enfants, à ses amis ; celle qu'on aime parce que l'on y reconnait la vie, cette vie simple faite de bonheurs mais aussi de moments forts et tragiques.

Bien entendu, tous ces témoignages doivent être considérés uniquement comme l'interprétation, 60 ans après, de faits vécus dans une période tragique où évènements, impressions furent bousculés ! D'autant que beaucoup de témoins étaient jeunes, très jeunes ...
Souvent des dates sont oubliées, des noms déformés, des lieux imprécis, des faits omis ; quelquefois des confusions, des lacunes, des méprises, des erreurs ...Il faudrait vérifier et confronter chaque propos !
Toutefois, l'ensemble de ces témoignages reflète une réelle cohérence et brosse un tableau réaliste et varié de ces journées de juin 44 lorsque américains et normands se rencontrent derrière Omaha. Ainsi se constitue une véritable et formidable MEMOIRE de notre passé.

Que retenir de ces histoires pour qu'elles deviennent Histoire ? Contentons-nous de rappeler quelques bribes qui se répètent , quelques mots inoubliables quelques gestes spontanés, quelques émotions intactes :

La banalité des bombardements, mais aussi leur violence.
Ces bruits assourdissants et inquiétants ; tous ces dégats.
Les abris où l'on se retrouve entassé avec les voisins. Un bébé qui pleure.
L'étonnement et l'incompréhension de tout ce vacarme.
Panique et peur : il faut s'enfuir.
Des allemands parfois braves qui supportent de moins en moins bien la guerre.
Encore des obus...
De probables infiltrations américaines (déjà évoquées par les historiens,voir Laurent Mari : Omaha la sanglante p18 )
La surprise de voir des américains (des noirs ?) ... visage noirci !
Des menaces, puis des balles qui sifflent...
Des habitants, pris pour des espions, que l'on veut fusiller.
Des américains nerveux et méfiants, certains (les canadiens) qui parlent un drôle de français .
Des allemands d'abord optimistes et qui se transforment en snipper, et, quelques uns presque soulagés d'être faits prisonniers !
Des paysans qui renseignent avec une précision inouîe les américains de la position des ennemis .
Une vision extraordinaire : la plage d'Omaha envahie de navires !
Les premières roses offertes aux libérateurs. Déjà des sourires...
L'espoir de la liberté enfin retrouvée .
Les premiers verres de lait, de cidre et bientôt des abus de calva.
La générosité des américains : que d'enfants gâtés, que de friandises distribuées : bonbons, chocolats et la découverte du "chewing gum"!
Déjà les restrictions oubliées avec toutes ces cigarettes, parfums , conserves, fruits au sirop, savonnettes.
Des dollars toujours conservés dans un coin du portefeuille. Une photo. Une médaille. Un couteau.
Combien de paires de sabots parties aux USA ?
Réaliser et vivre la liberté .
Redécouvrir le goût du vrai pain blanc, du vrai café. Une bouffée de Camel.
Apprendre ses premiers mots d'anglais....
L'étonnement du gigantisme des moyens américains : Que de bateaux, de chars de camions, d'engins de toute sorte ! .
Ces milliers de véhicules inconnus : jeeps, bulldozers...
Les communications par radio !
Cette immense infirmerie du "grand pré " où l'on s'est fait arracher une dent, soigner à la pénicilline...
Le spectacle des terrains d'aviation et des camps que l'on va observer en famille le dimanche !
Le moral et le courage des américains " gonflés à bloc " .
Les petits trafics en tout genre entre américains et normands. Des caisses détournées.
Les souvenirs inoubliables et formidables.
Les virées en jeep ! la découverte du cinéma !
De "vrais copains" , les adresses échangées...
Tous ces repas et gamelles partagés .
Ces noirs qui effraient les jeunes filles !
Cette musique nouvelle qu'on entend un peu partout .

Tous ces américains qui vont rester jusqu'en décembre !

Comment oublier ? même si l'on n'était qu'un enfant en 1944 ! ou un "ancien" de plus de 90 ans aujourd'hui ?

Et ces 3500 morts, blessés ou disparus sur la plage d'Omaha la sanglante le soir du 6 Juin. Et ces civils morts à Vierville, à Trévières...Tous ceux qui ne sont plus là pour témoigner ! Comment les oublier ?

Puissent demain les élèves du collège Octave Mirbeau de Trévières dire:

"J'ai rencontré..., j'ai dialogué..., je sais..., je me souviens...
A mon tour, je peux et je dois témoigner.
Je n'oublierai pas ! "

Pour notre histoire.
Pour que vivent mémoire et liberté.

Gilles Badufle. Juin 1994 & avril 2004