Témoignage de Monsieur Feutry
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De Gaulle |
14 juin 1944
Je suis Claude FEUTRY, né le 2 juin 1929 à Trévières (Calvados), élève de 3e au Collège St François de Sales à Evreux.Je me trouvais à Trévières le 6 juin 1944 puis, fuyant sous les tirs d'artillerie, je suis arrivé à pied avec mes parents à Bayeux le 10 juin chez des cousins.
Que faire pour passer le temps ?
Ma distraction était d'aller l'après midi dans le bas de Bayeux voir les renforts alliés, véhicules légers et blindés plus lourds traversant la ville, venant d'Arromanches et allant vers la gare et Tilly sur Seulles via la rue St Laurent, la rue Maréchal Foch, la rue Larcher et l'avenue de la Gare. Le By Pass n'existait pas encore ! ! !
Une jeep
Le 14 juin, vers 15 heures, je me trouvais dans un léger renfoncement à angle droit de la rue Maréchal Foch, n° 17, quand soudainement survient une Jeep conduite par un soldat anglais. En descendent deux généraux, un amiral et un civil, tous français. Comme le renfoncement du 17, rue Mal Foch permettait un stationnement facile, ils s'arrêtent à notre niveau et se mêlent à nous spectateurs. Nous leur avons manifesté notre joie et notre fierté de retrouver ces militaires français, qui plus est, de haut rang. Ils nous ont dit de rester bien en place car le Général DE GAULLE allait arriver ici dans une 1A heure. Quelle surprise !
Nous avons parlé de choses et d'autres durant cette attente et en particulier avec un des deux généraux auquel je demandais ingénument : " Quand le Général LECLERC allait-il débarquer ? " ! ! ! (Il a débarqué le 1er août ! ! !) !
" Comment connais-tu le Général LECLERC, mon petit garçon ? "
Je lui ai répondu qu'à la maison nous écoutions la BBC et nous avions entendu parler du Général lors de ses exploits au Tchad et à Koufra. Je ne pensais pas à cet instant que je m'adressais au vainqueur de Bir Hakeim, le Général KOENIG !!!
Les autres officiers étaient, je pense, le Général BETHOUARD et l'Amiral d'ARGENLIEU, le civil étant Monsieur VIENOT, ministre du gouvernement d'Alger.
le Général DE GAULLE
Reconnaissez-vous Claude Feutry ?
Juste derrière De Gaulle ! Une 1/2 heure après, comme nous l'avaient dit les généraux, le Général DE GAULLE, venant de la rue St Laurent, arrive en Jeep conduite, je pense, par un écossais. Il se dirige vers ses généraux et réalise son premier bain de foule sans gardes du corps, sans service d'ordre. Il me serre la main. Je suis très fier ! ! ! Et il s'engage avec sa suite Rue Mal Foch - le Carrefour St Jean. Il tourne à droite, remonte la rue St Martin. Je ne le quitte pas d'une semelle, je le suis des yeux.
C'est la liesse dans Bayeux où il est acclamé comme le chef de la France enfin Libre.
Nous remontons lentement la rue St Malo et prenons à gauche la rue du Général de Dais. Devant l'actuelle auberge de jeunesse de Bayeux, le cortège s'arrête. Il se produit alors un autre événement, le porte parole de la France Libre à Londres va à la rencontre du Général, c'est le Capitaine Maurice SCHUMAN. Tout
un symbole.
Puis le cortège repart et traverse la place du Château (future place DE GAULLE) pour se rendre à la sous-préfecture. Arrivé là, le Général ne semble pas attendu. Les grandes portes métalliques blanches sont complètement fermées. Une minute après, la petite porte sur le côté s'ouvre pour laisser passer un petit homme brun venant saluer le Général de Gaulle. C'était ROCHAS, le sous-préfet de Vichy, fils du chef de cabinet de Pierre LAVAL.
Le temps de décrocher le portrait de PETAIN, il fait ouvrir les deux portes et le Général est rentré quelques minutes. Quant à moi, j'ai abandonné le cortège, n'entrant pas dans la sous-préfecture.
Le Général est ressorti et s'est dirigé vers la partie nord-est de la place. Là était installée une petite tribune drapée du drapeau tricolore. Maurice SCHUMAN a pris la parole le premier et comme il le faisait à la BBC, il a prononcé ces mots " Honneur et Patrie. Voici le Général DE GAULLE ".
Le Général a pris la parole. C'était le premier discours de Bayeux chaleureusement applaudi par une foule en liesse.
Ce jour là, le 14 juin 1944, le Général DE GAULLE a pris en main les destinées de la France devant les alliés. C'était à nouveau le chef d'un état libre, d'une république française dirigée par un Français glorieux.
A Bayeux, le 11 novembre 2003
Copyright 2003 Claude FEUTRY