AUTREFOIS : L'Occupation
Zone interdite
Occupé depuis le 17 juin 1940,le secteur d'Omaha est une "zone côtière interdite" située au nord de la nationale 13 dans laquelle il est difficile de se déplacer (les automobiles ne sont pas autorisées) et interdit d'y rentrer (sauf "laissez-passer" ou "Ausweis"). Les habitants possédaient une attestation de résidence. Depuis l'automne 1942, les colonies de vacances sont interdites.
Témoignage d'Y Cordelle: Vivre en zone interdite à Vierville L'application des règles d'accès à la zone interdite était assez lâches. Bien que habitant à Paris, nous avions des certificats de résidence à Vierville (par le Maire), ce qui nous permettait d'aller pour chaque vacance scolaire (Noël, Paques, Eté) dans notre maison familiale au château de Vierville. J'avais 10 ans en 1940. L'accès à la plage a été interdit aux civils à partir de Pâques 43 ?? , je ne me souviens pas bien mais je me souviens avoir traversé la chicane du mur antichar qui a dû être construit début 43. En été 43, nous n'avons pu prendre de bains de mer. Décembre 43 a été le dernier séjour passé au château avant la Libération. Les Allemands nous ont réquisitionné le château le 1er mars 44 pour y installer les ouvriers de la Todt. Nous avons eu 3 jours pour déménager le mobilier. C'était court, mais tout le village s'y est mis, avec des dizaines de charrettes qui faisaient la noria avec les granges du presbytère. Entre le 18 juin 40 et le 1er mars 44, le château de Vierville n'a eu qu'à fournir de façon irrégulière, 1 à 3 chambres d'officiers (parfois un colonel). Les ordonnances étaient dans les communs. C'est à la cuisine que j'ai appris mes premiers rudiments d'allemand, avec les soldats qui venaient discuter avec la cuisinière et faire chauffer des plats. Un vocabulaire un limité et caractéristique de l'époque: "Ja wohl, nein, bitte sehr, bitte schön, gross, broad, melch, kartoffel, ersatz café, ersatz de tout, schnell, rauss, verboten, streng verboten,". Au début la "Komandantur" de Vierville s'y est installée, mais ils ont vite préféré le manoir de Than, qui était vide et bien caché des vues de la mer et des Tommies. De plus ma grand-mère Hausermann (décédée en février 41) , de souche alsacienne, n'aimait pas les Allemands et le leur faisait sentir, miraculeusement ils respectaient cette vieille dame qui leur en imposait. |
Réquisitions
L'arrivée des allemands a nécessité le logement des troupes et donc des réquisitions soigneusement organisées afin d'éviter débordements et violences qui arrivèrent parfois. Toutes les "villas" inoccupées sont réquisitionnées sauf deux... De nombreux habitants sont chassés de leur maison, telle la famille Piprel qui dut quitter l'hôtel du Casino de Vierville réquisitionné, la famille Hardelay est chassée des "Hortensias" car elle était absente lors de la réquisition, toutefois, par la suite, elle pourra venir récupérer quelques "bricoles" et surtout s'occuper du jardin. A La ferme du Prieuré (famille Scelles), il y a "40 allemands" alors que chez A André, "11 allemands s'entassent dans une chambre".
Au début de l'occupation les allemands mènent une vie agréable et profite même de la plage des "sables d'or". Il semble que la discipline à l'intérieur des troupes allemandes soit très rigoureuse et qu'il est arrivé que des sanctions soient prises lors d'incartades à l'encontre de français. Lorsque les difficultés ont commencé avec l'ouverture du front russe, les choses ont changé, de nombreux soldats ont quitté à regret la région pour le front de l'est (" gros malheur, moi partir en Russie !").
En 1942 le génie allemand doit "aménager" certaines villas, aussi les français récupèrent-ils leur mobilier. La démolition de toutes les villas commença au printemps 1943 sauf la villa "Rinascente", en haut de la falaise, qui servait de relais radio pour les U-boot ; la construction de plusieurs blockhaus commença et il fut progressivement interdit d'approcher d'autant que des mines étaient partout présentes.
L'on voyait de nombreux allemands revenant du front et faire de brefs séjous (3 à 4 mois) pour se reposer (témoignage E Scelles). Arrivèrent également de plus en plus de soldats de l'est : polonais, russes..
AVIS DE LA KOMMANDATUR |
Les réquisitions portent aussi sur les produits agricoles afin de nourrir l'armée d'occupation ce qui est fort mal vu par les habitants, à un tel point que le préfet s'en émeut. Ainsi Madame Watel de Vierville fournit un bidon de 20 l de lait chaque matin, lait qui lui est payé.
RAPPORTS DU PRÉFET SUR LES RÉQUISITIONS |
Interdits
Interdits et restrictions sont à l'ordre du jour comme partout ailleurs en zone occupée : déposer les armes, ne pas écouter la BBC, le couvre feu...
La circulation est particulièrement touchée:
DISPOSITIONS ET DIRECTIVES CONCERNANT L'AUTORISATION DE CIRCULER DES VEHICULES AUTOMOBILES DU CALVADOS |
DISPOSITIONS POUR LES BICYCLETTES " Sur avis donné par la Feldkommandantur, le public est informé que les bicyclettes ne pourront être utilisées la nuit tombée que munies de phares bleus ou oranges, à l'exclusion de toute autre couleur. |
Depuis 43, les allemands ont pris des mesures radicales spécifiques à la région: vallées de l'Aure inondée, accès à la plage interdit aux civils. Ils détruisent pendant l'hiver 43 la plupart des villas sur la plage pour améliorer les angles de tir, ainsi à Vierville il n'en reste plus que 3 (Le casino et 2 villas).
Sur la route, face à la mer, désormais existent de grands murs et fossés "antichars". Sur la plage de plus en plus d'obstacles sont installés alors que sur les hauteurs le "mur de l'Atlantique" se construit :des batteries côtières protégées par une casemate en béton et entourées de barbelés, tranchées et champs de mines
Contrôles
Les autorités allemandes contrôlent tout : ainsi la presse locale est-elle étroitement surveillée et fait oeuvre de propagande pour Vichy ("France nouvelle") que ce soit "Le journal de Bayeux" ou "Le courrier du Bessin" qui tirent tout deux entre 4000 et 5000 exemplaires. Le quotidien "Ouest Eclair" est logé à la même enseigne : chaque article est lu et corrigé par les services de la propagande de la Feldkommandatur, et, la presse doit publier les communiqués allemands. Les nouvelles des différents fronts militaires "communiqués de guerre" sont évidemment tronquées ("Les japonais coulent 13 navires américains") tandis que les bombardements sont toujours mis en valeur ("La RAF a fait encore de nouvelles victimes"... "l'aviation anglaise bombarde" ) [extraits du Journal de Normandie du 11 /02/43]. Toutefois la presse fourmille d'informations (approvisionnement et animations par exemple) qu'il est utile de connaître :
LE COURRIER DU BESSIN N° 39 Jeudi 24 septembre 1942 REPRESAILLES NECESSAIRES Devant les agressions et les crimes des anglo-saxons, qui vont en se multipliant - Blois, Rouen, Abbeville, Dieppe, Madagascar, en quelques jours - bien des français se demandent si de rigoureuses représailles ne seraient pas nécessaires. |
SAINT LAURENT SUR MER AU PROFIT DES PRISONNIERS
Grand messe solennelle en musique. |
Le cinéma sert aussi de propagation à l'idéologie dominante, en particulier pour la partie "actualités" mais aussi pour certains films comme "Le jeune hitlérien , un film de H Steinhof avec H George" avec dans ce cas ... l'entrée gratuite!. Seules demeurent actives les oeuvres de charité pour les prisonniers de guerre (lors de la défaite de mai-juin 1940)
Les allemands essaient aussi de réquisitionner, quand ce n'est pas "voler", les oeuvres d'art, c'est ainsi que la tapisserie de Bayeux fut maintes fois déplacée pour finir dans les caves du musée du Louvre où, par miracle, elle échappa à une dernière tentative de récupération des allemands en Août 1944.
Le seul moyen de s'informer demeure la radio avec les émissions de la BBC , ce qui formellement interdit mais incité par les tracts lancés par la RAF.Faut-il encore avoir conservé son poste de TSF qui ont été bien souvent réquisitionnés
Sanctions
Le interdits et restrictions étant si lourds à supporter que les autorités allemandes promettent (rarement) des récompenses et toujours des sévères punitions pour toute forme de "résistance" passive ou non.
AVIS |
LES COUPURES DE CABLES DANS LE CALVADOS " Avis à la population |
Réquisitions de main d'oeuvre
La Kommandatur installée au château de Vierville réclame moult "réquisitions" pour diverses corvées et transports nombreux dans le secteur d'Omaha en raison des constructions pour le "mur de l'Atlantique". Toutefois, la population est aussi de garde des voies ferrées. Ainsi Edmond Scelles, âgé de 16 ans, a été réquisitionné 3 fois en 1944.
SERVICE DE GARDE DES VOIES GARDE DES VOIES |
Tous les jeunes sont "requis" et travaillent pour l'occupant : transport de matériaux, ouvrier maçon sur les chantiers de construction de casemates, creusement de tranchées. Certains sont logés au château d'Englesqueville pour être plus tôt au travail et mieux surveillés. Parfois une "corvée générale" arrive, ainsi en avril 1944 tous les hommes valides (16 à 60 ans) sont requis pour planter des "asperges de ROMMEL" dans les champs.
Relève et STO
Dés 1941 la presse diffuse des avis pour inciter à aller travailler en Allemagne
L'Allemagne offre du travail |
Quelques milliers d'habitants du Calvados partiront mais cela était bien insuffisant pour pallier à l'absence de main d'œuvre puisque les ouvriers allemands étaient devenus "soldats" aussi Laval institue en juin 1942 la "relève".
"Depuis que l'Allemagne fait la guerre aux Soviets la main d'oeuvre d'un grand nombre de prisonniers lui est devenue indispensable." Journal de Bayeux 26/6/42 |
Le volontariat étant... très insuffisant, les autorités allemandes "désignèrent" les candidats "à se présenter à la Felkommandatur pour une visite médicale suivie d'un départ immédiat en train" avec menace de graves sanctions en cas de refus. Beaucoup firent tout pour y échapper aussi le gouvernement de Vichy met-il en place le 16 février 1943 le STO "Service du travail obligatoire" de 2 ans pour les jeunes nés entre 1920 et 1922. Aussi furent-ils convoqués dans leur mairie afin de recensement et visite médicale.
"Un certain nombre de jeunes gens, sans raison valable, n'ont pas
cru devoir encore déferer aux instructions relatives à
la visite médicale. Il leur est rappelé de la façon
la plus insistante que le recensement et la visite médicale sont
une obligation stricte à laquelle nul ne peut se soustraire sans
encourir les rigueurs de la loi." |
De nombreux jeunes devinrent des "réfractaires au STO" et durent se cacher, bien souvent dans les fermes. Certains grossirent les rangs de la résistance.