Témoins Normands

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Levoir Michel âgé de 14 ans, ouvrier agricole à Vierville

On peut pas oublier, c’est pas possible.

En 44, j'avais 14 ans,... ah , bah, oui, je m’en rappelle bien du départ de la guerre jusqu’au matin du 6 juin à l’arrivée des américains. On peut pas oublier, c’est pas possible. Le 6 juin on a vu quatre américains qui sont arrivés pour la guerre parce qu’ils étaient armés, j’étais parti avec mes parents dans un local pour échapper aux mitrailles et il y’a un allemand qui est arrivé dans la buanderie où on était, il voulait tirer sur un chat qui était dans la rue. Alors mon père a saisi l’allemand en lui faisant voir qu’on était dix gamins, il a tout de suite compris et y’avait pas vingt secondes que l’allemand était parti qu’un américain est entré pour nous demander si y’avait des allemands, des boches, là dedans. On avait quand même eu peur.

y en avait je sais pas,... une multitude !

L'américain était habillé encore en tenue de combat avec des armes, y'venait de débarquer. On a pas pu parler avec eux, ils ont continué leur activité mais après, oui :le dimanche 11 juin, je travaillais dans une ferme à cette époque là, j’avais quatorze ans et étant donné que j’étais d’une famille nombreuse. Et le 11 juin en allant soigner les bestiaux, qu’est ce que j’ai vu dans un grand champ de pommiers ? Des américains qui s’installaient pour camper, alors y en avait je sais pas,... une multitude, dans un herbage qui faisait au moins dix hectares. De toute façon, toutes les terres autour de la ferme étaient requises pour les américains .

c’est formidable, j’étais devenu un militaire

Alors y’avait un jeune que j’ai côtoyé dans un grand champ de pommiers au bord de la nationale treize : dans la soirée en passant près du camp, j’ai rencontré un jeune américain qui m’a demandé un peu de lait. Alors je suis parti voir la maîtresse de maison en lui demandant un peu de lait, aussitôt je suis revenu au camp et j’ai parlé avec le petit américain et il s’était aperçu que j’étais mal chaussé alors il me donnait une paire de chaussures et il a fouillé dans son paquetage pour me sortir un pantalon une veste et un cadeau, c’est formidable j’étais devenu un militaire, j’ai le souvenir qu’il a fait une photo mais il est parti et je l’ai jamais revu . Ah non j'ai plus ces vêtements là, ça fait soixante ans, j’aurais pu les garder mais comme je les ai changés de place souvent.

je mangeais avec les américains

Alors tous les jours quand je passais dans le camp, parce qu’il fallait passer dans le camp pour soigner les bestiaux il m’interpellait "Michel tu veux rester avec nous ? Je vais te prêter une gamelle tu vas pouvoir manger avec nous".Y parlaient français, un petit peu français, mais pendant plusieurs jours dans la semaine, je rentrais pas à la ferme pour manger, je mangeais avec les américains. C’était sympa. C’est la seule chose qui m’a vraiment frappé, c’est ce jeune américain qui demandait du lait. Apres quand je passais par là-bas, c’était des paquets de cigarettes, c’était le chocolat, y’avait rien de trop beau !

DATE DE L’INTERVIEW : 3 avril 2004
LIEU : Trévières
DUREE : 30 min
RECUEILLI PAR :Houssin Maxime & Blet Thibaut