Témoins Normands

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DURAND Jean : en 1944 : âgé de 30 ans , marié , 1 fille, menuisier résidant à Trévières "

un triste retour à Trévières "

"J'ai quitté Trévières le 6 juin. J'ai rencontré les américains pour la première fois lorsque je suis rentré de Maisons à Trévières le 10 juin car j'avais appris par les anglais que Trévières était libéré. J'ai rencontré un américain en traversant Trévières qui était complétement démoli. La première autre personne que j'ai rencontrée était le chanoine Bertreux qui était curé de Trévières qui m'a demandé de m'occuper de faire des cercueils pour enterrer les morts, il y en avait 17. Etant donné que mon atelier était découvert et abimé, je suis descendu à Beau Moulin chez Monsieur Mouchel lui demander de faire les cercueils chez lui, son matériel était intact ; alors avec Mouchel père et fils on a fait les cercueils, on a commencé le dimanche matin et le lundi on les a mis en bière. On a été conduire tous les cercueils au cimetière et l'après midi il y a eu l'inhumation ; Maurice Schumann a fait un discours au monument de Trévières.

"Ils n'arrêtaient pas de passer "

Les américains étaient habillés avec un pantalon de treillis et une veste avec des poches de tous les côtés, ils avaient des chaussurres un peu montantes ; un fusil sur le dos et un casque toujours sur la tête. On les voyait passer sans s'arrêter à Trévières mais ils nous lançaient et nous envoyaient des cigarettes , des boîtes de pâté, des petits paquets de Nescafé, même des habits ! Ils passaient devant moi et çà n'arrêtait pas, ils s'en allaient vers Saint Lô ;

"Du matériel énorme "

Ils avaient un matériel énorme et en quantité incroyable, du matériel qu'on n'avait jamais vu : des buldozzers, on ne connaissait pas çà, des camions sans arrêt... ça passait des heures entières, sans arrêt ; et puis alors le ravitaillement qui suivait quoi, tout était à l'avenant !

"Donner de la confiture aux cochons !!!

Dans un camp d'aviation américain à Sully, j'allais avec un cousin chercher des déchets pour ses cochons, on partait habituellement avec une carriole . Ce jour là ,le cuisinier américain était bien ennuyé : il n'y avait rien !
Il nous dit " Attendez, je vais arranger çà " et il a pris des boîtes de conserves de fruits au sirop ! Il a commencé à les ouvrir pour les mettre aux cochons ! Alors on lui a dit " Non, c'est pas la peine de les ouvrir ! " , mais c'était comme çà !"

Interview du 12 Janvier 1994 à Trévières
Recueilli et Transcrit par Sandra Vautier,Alexandra Pinelli,Aurore Larue